En cette période de commémoration de l’obtention du droit de vote des femmes au Québec, avec tout ce que cela comporte aussi de démarches et de revendications et qui a donné droit à une évolution assez rapide des droits des femmes, je tiens à souligner toute l’admiration que j’ai pour mes parents. Ils ont eu 7 filles sur neuf enfants. C’était les années ’40 et ’50, l’époque où la femme était encore juridiquement inférieure à l’homme, considérée comme une enfant.
Mon père a toujours traité ma mère en égale. Ensemble ils s’étaient donnés comme projet d’avoir une grande famille. Ils nous ont élevés ensemble. Mon père essuyait la vaisselle avant l’entrée d’un lave-vaisselle dans la maison. Ils nous faisait réciter nos leçons et vérifiait nos devoirs. Il nous montrait à aimer la forêt, à pêcher et tirer de la carabine. Ensemble, ils nous ont exposés à plusieurs sports comme à des activités culturelles. Nous allions systématiquement aux matinées de l’Orchestre symphonique et de L’Opéra de Québec. Nous nagions, skiions. Ils remplissaient la station wagon et la déversaient au pied du Mont-Ste-Anne dès son ouverture pour 150$ le billet familial.
Mes parents avaient les moyens d’avoir une grande famille. Mon père avait une entreprise avec ses frères. Mais ils ont quand même fait le choix de nous instruire. Jamais il n’a été question, chez nous, de payer des études aux garçons et pas aux filles. Faut dire que nous avions la majorité. Mais mes parents ont toujours dit « on ne sait pas quel genre d’héritage nous vous laisserons mais nous vous paierons toutes les études que vous voudrez faire pour que vous puissiez vous débrouiller dans la vie ».
Mes parents étaient très croyants et pratiquants. Nous allions à la messe tous les dimanches et tous les matins de l’avent et du carême. Mais ils ne se sont pas « enfargés » dans les recommandations encore en vigueur à l’époque et qui ont tant brimé les femmes du Québec.
Ils croyaient que nous allions nous marier et nous faire vivre par nos maris. Mais ils n’ont pas pris de chance et nous ont incité à étudier. Ils nous ont beaucoup aidés et nous avons tous bien « réussi ». Nous sommes 9 diplômés universitaires sur 9 enfants. Je trouve cela admirable. Ils se sont consacrés à leur progéniture, temps et argent.
Mes sœurs – aujourd’hui certaines sont retraitées – ont été avocate et juge à la Cour supérieure, psychologue impliquée dans des projets internationaux dédiés au cancer, coach internationale et consultante en gestion de projet dans le réseau de la santé, spécialiste du harcèlement, linguiste, physiothérapeute et, moi, communicatrice. Mes frères sont administrateurs et spécialiste en marketing. Certaines de mes sœurs ont plus d’un diplôme universitaire.
Je ne crois pas que les études universitaires soient essentielles pour avoir la carrière qui nous rende heureux. Mais au début de la révolution tranquille, mes parents étaient des précurseurs dans leur vision de notre avenir et des moyens à prendre pour nous assurer une indépendance que nous avons bien utilisée au fil des décennies qui ont suivi.
Aujourd’hui, mon père est décédé et ma mère, âgée de 91 ans, lit constamment, conduit son auto et s’occupe elle-même de ses affaires. Ils ont été un exemple de cette égalité que nous semblons encore revendiquer aujourd’hui. Nous clamons l’avoir mais est-elle bien réelle, partout dans notre société? J’en doute.
Je tiens donc à rendre hommage à mes parents pour leur avant-gardisme et leur vision, et pour avoir tout mis en œuvre, sans nécessairement s’oublier, pour nous donner les moyens de prendre nos vies en main. Je les en remercie.